La Brigade indépendante Alsace-Lorraine
La Brigade indépendante Alsace-Lorraine
Dordogne, 18 juillet 2015
La Présidente n’ayant pu participer aux commémorations comme prévu,
le Comébal a été représenté par Noel Balout
Rivesol - 18 07 2015 - stèle de Jean Reghem
Discours de Noel Balout
Mesdames, messieurs, chers amis
Nous sommes ici sur la stèle d’un homme et d’un seul, Jean Reghem, dit Ch’timi, la sentinelle du maquis. L’an passé Marie Noel Diener-Hatt, fille d’Ancel, nous a rappelé le rôle de la sentinelle, surement parce que son père lui avait parlé de ce qu’il devait, de ce que son maquis devait à un seul, à Jean Reghem. Voici ce que nous disait Fernand Sabouret (dans le Chemin de la Mémoire consacré à Durestal), des évènements de ce 8 juillet 1944, ici, à Rivesol, dans ce bois de Cendrieux :
Sur une dénonciation par quelques mouchards, une colonne allemande arrivant par la route de Lacropte s'arrête au bourg de Cendrieux. Bon gré ou mal gré, ils amènent avec eux un homme du bourg pour leur servir de guide, les véhicules descendent la côte de Rivesol, moteur arrêté et restent au bas de la côte près de l'étang.
La colonne de soldats part à pied vers la Fondarrière. Sur le plateau il y avait deux sentinelles.
Dès qu'ils ont aperçu les premiers soldats Jean Réghem dit à son copain : " cours vite avertir le groupe de l'arrivée des Allemands. Moi, je vais leur tirer dessus pour les retarder". »
Jean-Guy Réghem, dit Chtimi, jeune maquisard âgé de 18 ans, sergent à la compagnie Valmy, tombe au combat, ce jour-là, près de l’étang de Rivesol, sur la commune de Cendrieux. Il a, par ce suprême acte de courage, sauvé la vie à tout son groupe.
Un peu plus loin, ce même fascicule décrit l’organisation très précise des sentinelles, les consignes, les quarts, les mots de passe…
Dans une organisation, comme le maquis ou comme l’armée et comme dans la société, chacun a son rôle, chacun est à sa place ou devrait l’être. Jean Reghem, lui, était à son poste. Il veillait. Il ne s’est pas endormi et il a donné sa vie pour ses amis.
Parmi les dizaines de millions de mort de la seconde guerre mondiale, il vient nous rappeler l’importance de chacun. A la sentinelle il est demandé une vigilance à chaque instant et ce poste modeste, presque banal, est un poste exigeant.
Jean Reghem, 18 ans, ici, à Rivesol, dans un bois de Cendrieux, est un exemple pour tous. Merci à vous tous ici présents, de commémorer ce sacrifice, car Jean Reghem s’est sacrifié pour son maquis et nous lui devons cette mémoire.
Durestal - 18 07 2015 -
Commémoration des 25 ans de l’inauguration de la Stèle
Discours de Noel Balout
Madame la représentante du Préfet, Monsieur et Madame les Représentants du Conseil Départemental, Monsieur le Président de la Communauté de communes, Messieurs les Maires, Mesdames, messieurs
Notre Présidente, Marie-Noèl DIENER-HATT, fille d’ANCEL, ne peut être présente pour raisons familiales et m’a demandé de prendre pour elle la parole au nom du Comité pour la Mémoire de la BAL, ce qui est bien sûr un grand honneur, mais mon premier sentiment est celui de l’humilité. Humilité devant le courage de ceux qui ont rejoint ce maquis et courage de ceux et de celles qui les ont aidés. Humilité devant le sacrifice de leurs années de jeunesse pour aller dans le froid et la pluie défendre leur idéal. Tout petit enfin devant la mémoire de ceux et de celles qui ont fait le sacrifice de leur vie pour que les enfants de France puissent sortir du cauchemar de l’occupation.
Je voudrai aussi remercier les organisateurs de ces cérémonies, l’ANACR, la Mairie de Cendrieux, la Communauté de communes du Pays Vernois et du Terroir de la Truffe, le Conseil Départemental, L’Association Centre Départemental de la Mémoire Résistance et Déportation de la Dordogne, l’association MVCG 24, Military Vehicule Conservation Group, et tous les portes drapeaux qui apportent la solennité que requièrent ces moments.
Alors pourquoi ces commémorations, ici dans ces bois retirés du Périgord ? Et pourquoi, 70 ans après ces évènements, pourquoi notre engagement dans le Comité pour la Mémoire de la BAL ?
Dans le discours qu’il prononça ici, André Malraux déclarait ceci :
Quand nous avons dû escorter vers le Panthéon le char qui emportait les cendres de Jean Moulin, il y avait un grand clair de lune et nous nous reconnaissions tous à sa vague clarté. Puis on a allumé des torches et nous avons distingué nos cheveux blancs. Alors, nos enfants ont pris les torches et escorté les cendres dans le piétinement des chevaux de la garde qui présentait les armes et le reflet de la lune enchantée sur les sabres…
Nous étions en 1972 et les paroles de Malraux s’adressaient alors aux survivants de cette époque. Avec leurs cheveux blancs, nos pères et nos mères venaient commémorer ici le souvenir de leurs copains, de leurs amis, de leurs parents, fauchés à 15 ans ou à 20 ans, dans les bois du Périgord et dans les combats pour la libération de la France. Et pour avoir été présent ce jour-là à Durestal et pour avoir bien connu plusieurs de ces anciens, je peux vous dire que passées les commémorations solennelles et les émotions de la cérémonie, ils se retrouvaient autour d’une bonne table et qu’ils n’engendraient pas la mélancolie. Parce que pour eux la meilleure façon de remercier leurs copains c’était aussi leur joie d’avoir survécu et de pouvoir vivre des moments de gaité dans l’harmonie que leur pays avait retrouvé après le chaos des années de guerre.
Et Malraux a ajouté :
C’est à vos enfants que je dois dire aujourd’hui ce que vous avez fait. Croyez-moi : ce n’était pas si mal. Il y a assez de morts dans les cimetières et les bois qui nous entourent, pour que je puisse affirmer : vous vous êtes bien battus.
Alors pour nous, les enfants qu’en est-il ? Je dois avouer que toute ma vie je me suis demandé : « Et toi qu’est-ce que tu aurais fait ? »… … Qu’aurai-je fait ?
Un site comme celui-ci et l’ouvrage réalisé par l’ANACR sur ce chemin de la mémoire ont une fonction essentielle : celle de nous aider à comprendre. Et comprendre concrètement, dans ces bois, dans cette commune, ce que fut la vie de ces hommes et les choix qu’eux-mêmes ont fait. Chaque vie est un roman, chaque vie a été un choix, bon ou mauvais, et chacun peut le regarder comme une leçon de vie.
Ce chemin peut être regardé comme une leçon sous plusieurs angles :
•la grande histoire, celle de la seconde guerre mondiale,
•L’histoire locale, celle de ces communes du Périgord avec leurs péripéties, ici ou à Marsaneix ou dans presque dans chaque commune de notre département.
•Un angle humain pour des hommes, des femmes, et des populations entières et qu’il me soit permis de penser au cas des Alsaciens Lorrains, des Malgré Nous aux Résistants ou aux déportés,
•Un autre angle est de comprendre aussi la place des idées, de la pensée, de la vertu et des convictions, ce qui fut le cas de la BAL et de ses fondateurs,
•Un autre angle aussi de comprendre, l’art de la guerre et l’art avec lequel la France a pu, grâce à ces hommes et ces femmes, prendre place au côté des vainqueurs.
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Ici, à Durestal, vous avez rendez-vous non pas avec la légende, non pas avec l’histoire telle qu’elle est racontée ou réécrite, mais avec la vérité historique, validée par des historiens tels Marie Noel DIENER-HATT ou Jean Paul BEDOIN et cette vérité est une des raisons d’être du Comebal. A chacun d’écouter, de lire d’assimiler et de comprendre ; de saisir le sens et la portée de ces évènements pour pouvoir, en conscience, choisir le moment venu dans sa propre vie.
Le chemin de la mémoire de Durestal donne de multiples visages humains pour comprendre cette histoire. Les plus fameux sont ceux de Pierre LARRUE, de Mojzesz GOLDMAN, alias MIREILLE, d’Antoine DIENER, alias ANCEL mais vous trouverez également une foule de personnages rentrés dans l’ombre et à qui peu ou prou nous devons la liberté.
Représentant le Comebal je vous dirai quelques mots sur le maquis Ancel.
Léon Mercadet, dans son ouvrage La Brigade Alsace-Lorraine, évoque l’instant où Antoine Diener a choisi le pseudonyme sous lequel il allait devenir l’un des animateurs de la Résistance dans notre département.
Ancel, du latin ancillus, veut dire serviteur et serviteur, en allemand, se dit... Diener. Diener, serviteur. Pas domestique, serviteur. Et pourquoi était-il ici ce soir, sinon pour servir ? la France, la liberté, l’honneur, le Bien, l’humanité tout entière : une seule cause.
Servir et tout est déjà dit.
Il y a tant à dire sur ce maquis et sur son chef. Nous passerions l’après-midi à conter l’histoire passionnante de ces hommes et leur vie plus prosaïque : le froid, la pluie, la peur, la fatigue , la faim, la terre humide, les membres engourdis, les doutes… et malgré tout prévoir, sécuriser, recruter, former, discipliner, trouver des armes, commander, organiser, rendre compte, décider, survivre et penser chaque jour, se nourrir, se vêtir… penser à demain et penser à après-demain, stratégique et tactique… sans oublier une femme, des enfants, une famille, ceux qui sont restés et qui sont menacés.
Quelques éléments historiques :
•Entre février et aout 1944, en 6 mois, le maquis ANCEL a effectué 17 déménagements de plusieurs kilomètres de distance, entre Neuvic et Cendrieux, avec à chaque fois des repérages préalables afin d’assurer la sécurité et la logistique pour un effectif de 150 au jour du débarquement.
•Après le 12 juin, le maquis passe à l’action et on le retrouve sur de nombreuses opérations, participant à la libération de Périgueux et à celle d’Angoulême.
•En septembre, le plus grand nombre d’entre eux rejoindra, la 1ère armée commandée par De Lattre de Tassigny, dans le cadre de la Brigade Alsace Lorraine, participant aux combats dans les Vosges, à la libération de l’Alsace, puis à la garde du Rhin et à l’occupation en Allemagne.
Ici, pensant à ces hommes, et à l’universalité de ce qui s’est écrit ici, à Durestal, dans ces bois, me revient la complainte de d’Astier de la Vigerie et d’Anna Marly, chantée dans toutes les langues, de Joan Baez à Leonard Cohen,
Les Allemands étaient chez moi
On m´a dit "Résigne-toi"
Mais je n´ai pas pu
…. Et j´ai repris mon arme
J´ai changé cent fois de nom
J´ai perdu femme et enfants
…. Mais j´ai tant d´amis
Et j´ai la France entière
Hier encore, nous étions trois
Il ne reste plus que moi
Le vent souffle sur les tombes
La liberté reviendra
On nous oubliera
Nous rentrerons dans l´ombre
En 1946, Antoine DIENER, Paul ALBERT, Gustave HOUVER… et tous leurs camarades avaient enduré les maquis, les combats, ils avaient connu la peur, et aussi les blessures, perdu bien des leurs et, aussi, parfois, leurs meilleurs amis, des cousins, des frères, un père, une mère.
Antoine DIENER a rejoint l’Education Nationale, Paul ALBERT a ouvert un restaurant à Metz, Gustave HOUVER a créé une école professionnelle, les femmes d’Adelphe PELTRE et d’Augustin MORGENTHALER étaient veuves et leurs enfants orphelins…
Les résistants sont rentrés dans l’ombre puis ils ont créé une amicale pour se retrouver…
(silence)
Malraux nous disait, ici même :
Voici donc, en face de moi, les mêmes bois que ceux qui virent le premier combat du premier maquis. Vous retrouvez, délégués des survivants et délégués des morts, délégués du courage en face de l’immense indifférence des arbres.
Oui. L’indifférence des arbres. La forêt a repris sa place. Sur notre planète, quelques hommes avaient pensé qu’ils pouvaient écrire l’histoire différemment, et il est vrai que, très souvent, ils ne pouvaient pas faire autrement parce qu’il y allait de leur survie. Mais quand même, certains ont choisi, brutalement ou graduellement. Leur exemple doit rester. Nous, les enfants, nous pouvons « sacrifier » (entre guillemets) quelques week ends. « Car l’homme de bien a pour tombeau la terre entière (…) et sa mémoire (…) vit dans la pensée des hommes bien mieux que sur les monuments» (Thucydide) et pour que, comme l’écrit Malraux dans son discours de Rouen, pour que : « le tombeau des héros devienne le coeur des vivants ».
Commentaire : le texte en caractère vert n’a pas été lu afin de respecter le timing indiqué.